L’EXPERTISE ORL PRE IMPLANTAIRE
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Quand la demander et en quoi consiste t-elle ?
INTRODUCTION
Les bons résultats de la réhabilitation dento-prothétique implanto portée sont rendus possibles grâce aux progrès techniques constants, et au respect des contre indications.
Parmi les contre indications, celles liées à la pathologie rhino-sinusienne , sont importantes à rappeler, pour deux raisons :
-par le fait que ces pathologies rhinosinusienne sont grandes pourvoyeuses de complications endosinusiennes, responsables d’échecs implantaires.
- par le fait que ces pathologies sont difficiles à appréhender, pour des praticiens non ORL.
L’objectif de cet article est de préciser après un rappel anatomo physiologique, et physiopathologique rhino-sinusien, quand demander une expertise ORL, et en quoi consiste t’elle.
RAPPEL ANATOMO PHYSIOLOGIQUE SINUSIEN 1, 2
Rappel anatomique (schéma 1)
Les sinus maxillaires, ainsi que les sinus frontaux, sphénoïdaux, et ethmoïdaux, sont des cavités aériennes localisées au sein des os de la face, physiologiquement stériles.
Ces sinus communiquent avec les fosses nasales, au sein des méats, par l’intermédiaire de fins canaux, nommés ostia.
Le méat moyen, est la zone de drainage du sinus maxillaire, ethmoïdal antérieur, et du sinus frontal.
L’ostium du sinus maxillaire est un canal d’une longueur de 7 mm, et d’un diamètre de 4 mm, faisant communiquer le sinus maxillaire, avec la fosse nasale, en regard du méat moyen, sous le cornet moyen.
Rappel physiologique ( schéma 2)
L’intégrité des ostia, permet le rôle de drainage et de ventilation des sinus.
Le rôle de ventilation aboutit au renouvellement de l’air intra sinusien, dont la composition est constante.
Le drainage intra sinusien est destiné aux secrétions normales ou pathologiques de la muqueuse, et s’effectue grâce à la fonction ciliaire de la muqueuse.
L’examen clinique des fosses nasales (schéma 3 à 4)
A été transformé par l’apparition d’endoscopes à fibres optiques de petite taille, permettant sous simple anesthésie locale, une exploration complète (fibroscopie endonasale) des diverses structures : cloison nasale, cornet inférieur, cornet moyen et méat moyen, gouttière olfactive
Tomodensitométrie du sinus maxillaire (clichés 1 et 2)
Le scanner ou la tomodensitométrie des sinus sans injection, en coupes axiales et coronales, est l’examen radiologique de référence, dans l’évaluation de la normalité du sinus maxillaire, ainsi que dans l’interprétation de la pathologie inflammatoire chronique, et tumorale bénigne.
La muqueuse endosinusienne ou membrane de Schneider, est normalement fine, et invisible, le contenu endosinusien est clair, et l’ostium est perméable.
RAPPEL PHYSIO PATHOLOGIQUE SINUSIEN 3
Succession d’étapes
La sinusite purulente fait suite à un épisode inflammatoire d’origine nasale, dans 85 pour cent des cas, ou suite à une infection dentaire dans 15 pour cent.
L’œdème initial de la muqueuse nasale, aboutit à une occlusion de l’ostium du sinus, qui crée une hypoventilation sinusienne, avec augmentation des secrétions endosinusiennes.
L’obstacle associé au drainage oestial, aboutit à la stagnation des secrétions endosinusiennes, et à la surinfection de celles-ci.
Définition de la sinusite maxillaire (photo 1)
La sinusite purulente est définie comme l’issue du méat moyen, de secrétions purulentes.
Symptomatologie
Les signes fonctionnels de la sinusite purulente, sont la douleur de la face en fonction de la topographie de projection des sinus, l’obstruction nasale, la rhinorrhée suppurée antérieure (aboutissant au mouchage purulent) et ou postérieure( aboutissant à l’écoulement pharyngé avec toux grasse).
Traitement médical
Le traitement médical antiinfectieux est probabiliste, et est fonction des germes en cause :
-Haemophilus influenza + Streptocoque pneumonia : 65%
-Moraxella catarrhalis 15%
-Anaérobies (sinusite dentaire) 15%
-Autres: staphylocoque 5%
Il fait appel, de première intention, à une antibiothérapie par voie orale, de type
-Amoxycilline + acide clavulanique : Augmentin 500: 1 gramme, 2 fois par jour, durant 8 jours
ou , en cas d’allergie à la pénicilline
-Synergistine : Pyostacine 500: 1 gramme, 2 fois par jour, durant 8 jours
Le traitement médical doit également rétablir la perméabilité ostiale, par
-des lavages répétés des fosses nasales, avec des produits stériles et
-des antiinflammatoires stéroidiens (Solupred oro 20mg) à la posologie de 1mg/kg, pendant 5 jours
Evolution de la sinusite
-La guérison est affirmée devant la normalisation de l’endoscopie endonasale (absence de secrétions purulentes au méat moyen), chez un patient asymptomatique.
-La récidive d’une sinusite purulente à distance d’une guérison, est considérée comme suspecte, à compter de plus de 3 épisodes annuels.
-Une sinusite est traînante, en cas de persistance de la symptomatologie, et ou de non stérilisation du méat moyen, chez un patient traité.
Elle est le fait généralement d’un traitement médical inadapté (résistance de germes, nécessité de corticothérapie associée)
- La sinusite chronique est une sinusite traînante durant plus de 6 semaines, malgré un traitement médical bien conduit
Elle est le fait généralement d’un obstacle mécanique endosinusien (sinusite de confinement) ou d’une porte dentaire négligée
L’EXPERTISE ORL
Quand la demander?
Elle n’est pas systématique, et ne s’impose que chez les patients répondant aux trois critères suivants :
-Une fois le projet implantaire réalisable, donc, après avoir éliminer toutes les autres contre indications liées à l’implantologie dentaire (cf annexe 1)
-S’il est prévu de franchir la corticale sous sinusienne
* pose d’implants sur hauteur de crête inférieure à 10 mm
* pose d’implants après ostéotomie par voie sous crestale
* pose d’implants immédiate ou différée, après comblement sous sinusien par voie
externe
-Chez les patients
*aux antécédents rhinosinusiens
Sinusites récidivantes (plus de 3 épisodes par an)
Sinusites traînantes (épisodes ne cédant pas facilement au traitement médical)
Sinusite chronique (patient restant symptomatique entre les épisodes sinusiens)
*aux images radiologiques douteuses
Détectées à la lecture des clichés panoramiques ou du denta scan
-opacités du plancher dues à des anomalies de la muqueuse, de type polypoide , ou de type hypertrophique (clichés 3 et 4)
-anomalies osseuses du plancher constituant soit des septa , soit des défects crestaux
En quoi consiste t-elle?
-A mener l’interrogatoire, afin d’acquérir la réalité des antécédents rhino sinusiens
-A pratiquer l’examen des fosses nasales en s’aidant de la fibroscopie endonasale
-A interpréter les images radiologiques douteuses
-A autoriser ou donner son véto au projet implantaire
Synthèse des situations cliniques (schéma 5)
- En l’absence d’antécédents rhinosinusiens (73 % des patients candidats aux implants) 4
*avec endoscopie endonasale normale (méat moyen sain)
# même si images radiologiques d’hypertrophie muqueuse (22% des cas) 5 ,
autorisation du projet implantaire
*avec endoscopie endonasale douteuse (obstacle au méat tel que déviation septale)
# nécessité d’un ostium perméable au scanner sinusien, pour autoriser le projet
implantaire 6
# même nécessité de scanner sinusien devant toute opacité muqueuse de grande taille , car risque de blocage ostial.
- En présence d’antécédents rhinosinusiens (27 % des patients candidats aux implants) 4
*avec endoscopie endonasale normale (méat moyen sain)
# nécessité d’un ostium perméable au scanner sinusien, pour autoriser le projet
implantaire
*avec endoscopie endonasale pathologique(67%des patients avec antécédents sinusiens) 4
**sinusite infectieuse ou inflammatoire
traitement médical et contrôle endoscopique et radiologique à 3 semaines
# autorisation du projet implantaire en cas de guérison clinique, normalisation
de l’endoscopie endonasale et du scanner sinusien
# en cas d’échec du traitement médical (sinusite de confinement)
possibilité d’une méatotomie moyenne (chirurgie endonasale), avec contrôle
endoscopique et radiologique à 6 mois
##autorisation du projet implantaire si méatotomie fonctionnelle, et si
absence de récidive de la pathologie rhinosinusienne
**pathologie sinusienne tumorale ou pseudotumorale
véto au projet implantaire, du au risque de perturbation de la physiologie sinusienne d’origine iatrogène, et au risque de récidive de la pathologie rhinosinusienne
CONTRE INDICATIONS SINUSIENNES
Les contre indications formelles, sont les pathologies sinusiennes contre indiquant tout projet implantaire, dés lors qu’il y a projet d’effraction de la corticale sous sinusienne :
*Pathologie sinusienne tumorale ou pseudotumorale
*Pathologie sinusienne récidivante après méatotomie moyenne
*Méatotomie moyenne non fonctionnelle
Les contre indications relatives sont nuancées en fonction du projet implantaire (
hauteur prévue du réhaussement, voie d’abord du comblement osseux) et fonction de
l’état anatomophysiologique du sinus :
*Les kystes volumineux du plancher
*Les anomalies osseuses du plancher
-les septa , fonction de leur nombre et de leur direction, avec le risque de perforation de la membrane
-hauteur de plancher inférieure à 2 mm (défects crestaux, voire communication bucco
sinusienne)
*Antécédents de chirurgie de Caldwel luck
CONCLUSION
L’expertise ORL en préimplantaire est incontournable chez les patients aux antécédents rhinosinusiens (27% des patients), car l’on décrit 40% de complications post opératoires 7 , en cas de comblement osseux préimplantaires, si la pathologie rhinosinusienne sous jacente(67%) est ignorée.
Cette expertise ORL ne doit pas être considérée comme une contrainte supplémentaire à un projet de soins déjà assez long 8 :
-en cas de complications post implantaire :
* le feu vert préimplantaire de l’ORL, représentera une certaine garantie médicolégale
* le même ORL se chargera , si besoin, de gérer les complications endosinusiennes
-en cas de sinus initialement pathologiques :
* en réhabilitant ces sinus, l’ORL permettra de maintenir le projet implantaire.
Schéma 1
Schéma 2
Schéma 3
Fosse nasale droite : 1 cornet inf
2 cornet moyen
3 cloison nasale
Schéma 4
Fosse nasale droite : 1 méat moyen
2 cornet moyen
3 cornet inferieur
4 gouttière olfactive
5 cloison nasale
cliché 1 :coupes coronales
cliché 2 : coupes axiales
Photo 1 : pus au méat moyen droit
Annexe 1
Contre indications à l’implantologie dentaire :
-contre indications médicales générales à toute chirurgie buccale
-contre indications régionales ( anomalie dento squelettique, troubles de l’articulé)
-contre indications buccales ( mauvaise hygiène bucco dentaire)
- contre indications locales ( pathologie parodontale et péri radiculaire évolutives)
Cliché 3 : image polypoide du sinus maxillaire droit
cliché 4 : hypertrophie muqueuse du sinus maxillaire gauche
Schéma 5 : synthèse des situations cliniques
Bibliographie :
1 : Physiologie des sinus paranasaux
EMC oto-rhino-laryngologie [20-416-A-10]
P. Eloy, M.-C. Nollevaux, B. Bertrand
2 : Exploration physique et fonctionnelle des fosses nasales
EMC oto-rhino-laryngologie [20-420-A-10]
Vladimir Strunski, Emmanuelle Stramandinoli
3 : Sinusites maxillaires
EMC oto-rhino-laryngologie [20-430-A-10]
L. Gilain, S. Laurent
4: Beaumont C , Zafiropoulos GG, Rohman K, Tatakis DN
Prevalence of maxillary sinus disease and abnormalities in patients scheduled for sinus lift procedures.
J Periodontol. 2005 Mar;76(3):461-7.
5 : Mardinger O, Manor I, Mijiritsky E, Hirshberg A
Maxillary sinus augmentation in the presence of antral pseudocyst: a clinical approach.
Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod.2007 Feb;103(2):180-4. Epub2006 Sep 1.
6 :Timmenga NM, Raghoebar GM, Liem RS, Van Weissenbruch R, Manson WL, Vissink A Effects of maxillary sinus floor elevation surgery on maxillary sinus physiology.
Eur J Oral Sci. 2003 Jun;111(3):189-97
7 : Timmenga NM, Raghoebar GM, Boering G, Van Weissenbruch R
Maxillary sinus function after sinus lifts for the insertion of dental implants.
J Oral Maxillofac Surg. 1997 Sep;55(9):936-9
8:Zimbler MS, Lbowitz RA, Glikman RA, Brecht LE, Jacobs JB
Antral augmentation, osseointegration, and sinusitis: the otolaryngologist's perspective.
Am J Rhinol. 1998 Sep-Oct;12(5):311-6
RESUME
Certaines pathologies rhinosinusiennes représentent des contre indications à la réhabilitation dentoprothétique implantoportée, en cas de projet thérapeutique prévoyant une effraction de la corticale sous sinusienne.
Ces pathologies rhinosinusiennes doivent être suspectées chez les patients aux antécédents rhinosinusiens, ou présentant des images endosinusiennes anormales, lors du bilan radiologique préimplantaire.
Le rôle de l’ORL est d’évaluer précisément l’état physiopathologique des sinus, afin d’autoriser le projet implantaire.
Dans certains cas, et en collaboration étroite avec l’implantologiste, l’ORL devra réhabiliter préalablement la région rhino sinusienne, afin d’autoriser la poursuite de la prise en charge.
Dr Harry MAAREK, ORL libéral
ORL et chirurgie cervicofaciale
Ancien interne des Hopitaux de Paris,
Ancien chef de clinique assistant de l’université paris 5
Praticien attaché à la Pitié Salpétrière